Front de l'Yser
Inondations à Ramskappelle en 1916.
Date 16-31 octobre 1914
Lieu fleuve Yser, Belgique
Issue victoire franco-belge
Belligérants
Belgique Empire allemand
France
Forces en présence
Belgique: Armée Beseler
4 divisions d'infanterie 3e Corps de réserve
2 divisions de réserve 4e Armée (nouvelle)
22e Corps de réserve
France: 23e Corps de réserve
1 division d'infanterie 26e Corps de réserve
1 Brigade fusiliers marins 27e Corps de réserve
(11 divisions)
Pertes
Belgique: 40 000 hommes.
France: 15 000 hommes.
Le front de l'Yser a été ouvert en octobre 1914 et tiendra jusqu'à l'offensive libératrice de 1918. Du 17 au 31 octobre 1914 se déroule la bataille de l'Yser.
La prise de commandement d'Albert Ier de Belgique
Exerçant une prérogative constitutionnelle, le roi des Belges prend personnellement le commandement des armées. Tenant bon à Anvers, il gêne l'offensive de la Marne mais les Allemands veulent gagner la mer à tout prix et Albert Ier se voit en danger d'encerclement. Il décide alors d'évacuer la ville et pousse les troupes vers l'ouest avec l'idée d'utiliser un fleuve côtier, l'Yser, qui servira de défense.
Le repli sur l'Yser
Le 18, le maréchal sir John French ordonne au corps expéditionnaire britannique d'avancer sur Menin, en Belgique, et sur Lille, en France, dans la première phase de la bataille de l'Yser.
Ce mouvement est anticipé par les Allemands qui avaient entamé une lente avancée quelques jours auparavant dans l'intention de capturer les ports sur la Manche, utilisés par les Britanniques. Le général Erich von Falkenhayn commandant l'armée impériale avait dépêché des renforts massifs sur le front de Belgique.
Dans leur secteur, les Britanniques, avec l'aide des Français, arrivent à résister à l'attaque allemande, mais à un terrible prix. Les forces belges se battent sur leur secteur avec l'énergie du désespoir pour contenir l'avancée allemande qui pilonne Anvers. Très occupés dans les autres secteurs, les français ont du mal à trouver des troupes de renfort pour aider les belges. Ils expédient d'urgence une division territoriale (la 87e) et la brigade de fusiliers marins nouvellement constituée et commandée par l'Amiral Ronarc'h. Après l'évacuation d'Anvers, les restes de l'armée belge se replient jusqu'à Gand où les attendent les renforts français. Gand ne pouvant tenir, ils effectuent ensemble un deuxième repli stratégique jusqu'à l'Yser où ils mettent la ville renforcée de Dixmude au centre du dispositif. Sur cette ligne renforcée ils arrêtent l'avance de l'armée allemande en lui infligeant des fortes pertes.
C'est le 15 octobre 1914 que l'ordre est donné. L'attitude est fixée comme suit : La ligne de l'Yser constitue notre dernière ligne de défense en Belgique et sa conservation est nécessaire pour le développement du plan général des opérations. Cette ligne sera donc tenue à tout prix.
Le dispositif de défense
Le 18 octobre, le dispositif de l'armée belge est le suivant :
A l'est de l'Yser, 7 km au sud-est de Dixmude, la 1eDivision de Cavalerie assurant la liaiso du
flanc sud avec les Français
Le long de l'Yser, du nord au sud :
La 2e Division d'Armée avec une tête de pont devant Nieuport sur la rive est,
La 1e Division d'Armée
La 4e Division d'Armée
La tête de pont de Dixmude tenue par une brigade de la 3e Division d'Armée et les Fusiliers
Marins français sous le commandement de l'amiral Ronarc'h
Une brigade de la 5e Division d'Armée s'étendant du sud de Dixmude à Fort de Knocke
(embranchement du canal de l'Yser à Ypres)
A l'ouest de l'Yser, du nord au sud, en 2e ligne :
La 3e Division d'armée (moins une brigade)
La 6e Division d'Armée
La 5e Division d'Armée (moins une brigade)
En 3e ligne, à Coxyde, la 2e Division de Cavalerie
Le dispositif d'attaque
En face se trouvaient les allemands de l'armée von Beseler comprenant le troisième corps de réserve qui venait de faire tomber Anvers grâce à une très puissante artillerie. Le commandant en chef Erich von Falkenhayn de l'armée allemande était bien décidé à gagner la course à la mer en dépassant l'Yser. Pour cela il prit la décision de restructurer secrètement la quatrième armée allemande qui avait participé à la bataille en Lorraine sous les ordres du duc Albert de Wurtemberg et qui était affaiblie. Une nouvelle quatrième armée, toujours confiée au Duc de Wurtemberg, comprenait quatre corps d'armée nouvellement constitués dans l'est de l'Allemagne :
22e corps de réserve,
23e corps de réserve,
26e corps de réserve,
27e corps de réserve.
De plus cette armée fut dotée d'une puissante artillerie.
La quatrième armée fut transportée secrètement en Belgique du 11 au 18 octobre 1914. Elle était constituée de jeunes volontaires provenant en majorité des universités et des écoles de l'est de l'Allemagne, qui étaient parfois accompagnés dans leur engagement patriotique par les professeurs. Cette armée n'avait pu suivre qu'une instruction militaire très courte, elle avait une réelle ferveur patriotique mais elle n'était pas aguerrie. En dépit de la différence numérique, la quatrième armée ne parvient pas à enfoncer la ligne de défense.
L'ouverture des écluses
Georges-Émile Lebacq, 1917 Front de l'Yser
Néanmoins, la situation devenait intenable du fait de la différence des effectifs en présence. L'éclusier Henri Geeraerts suggère à l'état-major un moyen d'inonder la plaine pour stopper définitivement l'avancée de l'armée allemande. Il s'agit d'ouvrir des vannes des écluses à marée montante et de les refermer à marée descendante. Du fait du déséquilibre des effectifs en présence, constatant que la ligne de défense ne pourra tenir indéfiniment, le roi Albert Ier de Belgique approuve l'opération qui est menée par le général Dossin.
Dossin de Saint-Georges, Baron Emile, J.-H.
L'ingénieuse proposition de l'éclusier a permis à l'armée franco-belge de s'établir solidement sur la rive occidentale du fleuve et de stopper l'avance de l'adversaire vers un objectif de grande valeur stratégique : Dunkerque. À l'exception de deux offensives sur Tervaete rapidement repoussées les 22, 23 et 24 octobre 1914, la ligne de l'Yser restera infranchissable pour l'armée allemande jusqu'à la fin des hostilités en 1918.
Le 19 octobre, le 1er corps britannique sous les ordres du général sir Douglas Haig, nouvellement arrivé, lance une contre-offensive contre l'armée allemande depuis ses positions dans les environs de la ville belge d'Ypres.
Bataille de l'Yser
L'extrémité du front à la mer du Nord
Date 17-31 octobre 1914
Lieu fleuve Yser, Belgique
Issue stabilisation du front derrière l'Yser
Belligérants
Belgique Empire allemand
République française
Forces en présence
Belgique: Armée Beseler
6 divisions d'infanterie 3e Corps de réserve
2 divisions de cavalerie 4e Armée (nouvelle)
22e Corps de réserve
France: 23e Corps de réserve
1 division d'infanterie 26e Corps de réserve
1 Brigade fusiliers marins 27e Corps de réserve
(11 divisions)
Pertes
Belgique: 75 000 hommes.
France: 15 000 hommes.
La bataille de l’Yser est l'appellation donnée à l'ensemble des combats qui se sont déroulés du 17 au 31 octobre 1914 et qui ont opposé les unités allemandes qui voulaient franchir le fleuve en direction de Dunkerque aux troupes belges et françaises qui essayaient de les y arrêter. Une vaste inondation déclenchée fin octobre a réussi à stopper définitivement la progression des assaillants. La croix de l'Yser, décoration militaire belge, a été décernée à ceux qui s'étaient distingués dans ces combats.
L'Yser est un petit fleuve côtier de 78 km de long qui prend sa source en France, qui entre en Belgique après quelque 30 km et qui y décrit un arc de cercle avant de se jeter dans la mer du Nord à Nieuport. A Fort Knokke (ancien fort), il reçoit, venant d'Ypres, son affluent canalisé l'Yperlée. Sur le plan militaire, l'Yser ne constitue pas un obstacle important car la rivière n'est ni large (15 m environ) ni encaissée.
C'est plutôt l'ensemble de la région qui n'est guère favorable aux opérations militaires car il s'agit d'une plaine sillonnée par de nombreux canaux d'irrigation et ne comportant que de rares couverts: quelques petits villages et des fermes isolées. Il y est impossible de creuser des tranchées car l'eau affleure directement. Les tranchées de l'Yser seront le plus souvent construites au-dessus du sol en empilant des sacs de terre.
Les centres urbains sont Nieuport et Dixmude sur l'Yser et Furnes en arrière. Un remblai supportant le chemin de fer entre Nieuport et Dixmude aura, pour la bataille, une importance capitale.
Tout le long de la côte, un cordon de dunes renforcé le long de la plage d'une digue datant du XIVe siècle empêche l'envahissement de la mer car, lors des marées hautes, la plaine se situe sous son niveau; il s'agit de polders. A Nieuport, un système complexe d'écluses et de déversoirs sert à réguler les niveaux des eaux intérieures. Il permettra également de tendre des inondations comme nous l'expliquerons plus loin.
Le repli sur l'Yser
Le 4 août 1914, les Allemands envahissent la Belgique. La petite armée du Roi Albert tente de freiner leur progression par l'action des forts de Liège et de Namur et par une manœuvre retardatrice menée par les troupes en campagne. Le 20 août, elle est obligée de se retirer sur la position fortifiée d'Anvers. En septembre, se déroule, en France, la bataille de la Marne. Ne pouvant percer, les Allemands essayent de contourner les Français par le nord; ces derniers sont alors obligés d'étendre de plus en plus leur aile gauche; c'est la "course à la mer".
Début octobre, à Anvers, les Belges sont menacés d'encerclement et amenés à se replier derrière le canal de Gand à Terneuzen.
Le 10 octobre, le Roi se rend à Ostende. Une conférence y est organisée où sont présents le général Pau représentant la France, le général Rawlinson commandant les troupes britanniques en Belgique et les autorités militaires belges. L'option est prise de se replier derrière l'Yser, afin de former, avec les alliés franco-britanniques, un front continu s'étendant jusqu'à la mer. Il s'agit aussi de défendre un dernier lambeau du territoire national. Des unités britanniques et françaises arrivées en Belgique aideront à couvrir le repli. Il y aura toutefois quelques tergiversations car, fidèle à la doctrine française de l'offensive à tout prix, Joffre voudrait que l'armée belge s'installe sur la Lys pour participer à une contre-attaque concentrique générale vers Lille. L'avancée des troupes allemandes mettra fin aux discussions. Le 12 octobre, le Roi décide que l'armée belge livrera sa bataille d'arrêt sur l'Yser. Le 13, il adresse à ses soldats une proclamation devenue historique.
Le déploiement sur l'Yser
Entre le 12 et le 15 octobre, l'armée belge dont les troupes non montées sont transportées par chemin de fer prennent position sur l'Yser entre la mer et Boezinge (6 km au nord d'Ypres).
Le front français est solidement organisé jusqu'à La Bassée mais plus au nord, il n'y a que deux divisions territoriales françaises et les unités britanniques pour prolonger le front. Ces derniers prennent position dans la région d'Ypres d'où part l'Yperlée pour se jeter dans l'Yser en face de Fort Knokke. Le corps de cavalerie français du général de Mitry auquel s'est jointe la 1e division de cavalerie belge assure la couverture une vingtaine de kilomètres à l'est de Fort Knokke
Après plus de deux mois de combat, l'armée belge est réduite à 75 000 hommes dont 53 000 fantassins et 5 000 cavaliers. Du 4 août au 18 octobre, elle a perdu 9 000 hommes; 400 000 hommes ont été capturés ainsi que 15 000 blessés et malades qui n'ont pas pu être évacués. La France lui a envoyé en renfort une brigade de quelque 6 000 fusiliers marins sous le commandement de l'amiral Ronarc'h qui ont déjà combattu à Gand et qui se sont repliés sur Dixmude. Ils doivent faire face aux 140 000 hommes du duc de Wurtemberg qui sont équipés d'une imposante artillerie.
L'armée qui se replie sur l'Yser comprend six petites divisions d'infanterie, appelées divisions d'armée (D.A.) et deux divisions de cavalerie; la 2e venant d'être constituée en prélevant les régiments de cavalerie des divisions d'infanterie. Ces moyens s'avèrent insuffisants pour défendre le front attribué qui est alors de 38 kilomètres. Avec l'armement de l'époque, le secteur défensif normal d'une division n'est que de quelque six kilomètres et il faut disposer de réserves.
Le dispositif initial est le suivant :
Une ligne de couverture située environ 5 km à l'est de l'Yser
Cinq avant-postes de la force d'un bataillon : Lombartzijde, Mannekensverre, Schore, Keiem, Beerst
Trois têtes de pont : Nieuport, Schoorbakke et Dixmude
La position principale courant le long de l'Yser jusqu'à Fort Knokke avec :
Du nord au sud :
La 2e division (secteur de Nieuport)
La 1e division (secteur de Schoorbakke)
La 4e division (secteur de Tervaete)
Les Fusiliers marins de l'amiral Ronarc'h et une brigade de la 3e division à Dixmude
Une brigade de la 6e division entre Dixmude et Fort Knokke
La 6e division (-) étendue sur l'Yperlée jusqu'à Boesinghe en attente de relève par les alliés
En réserve
La 3e division (-) à l'ouest de Pervijze
La 5e division à Lampernisse
La 2e division de cavalerie à Coxyde
Remarque : la 1e division de cavalerie opère en couverture avec les Français
Les combats sur l'Yser
17 octobre
Après la victoire de Tannenberg, le 30 août 1914, sur le front est, les Allemands concentrent plus de moyens sur le front ouest. Ils réussissent à constituer, à l'insu des services de renseignements alliés, une armée à quatre corps, la 4e, dont le Q.G. est à Gand et qui devra progresser par Ypres et Dixmude en direction de Dunkerque. Le 17 octobre, cette armée est identifiée mais sa composition est toujours inconnue.
Ce même jour, les unités de couverture signalent leurs premiers contacts avec les éclaireurs allemands.
18 octobre
Dès le matin, l'ensemble de la ligne de couverture de la mer à Dixmude est pris à partie par les troupes allemandes et doit se replier.
Un peu plus tard, l'ennemi déclenche une attaque générale sur tout le front de l'Yser. L'après-midi, tous les avant-postes tombent à l'exception de Lombardsijde.
Au nord, devant Lombardsijde, une escadre britannique croise près de la côte et ses tirs d'écharpe contrarient la progression de l'ennemi. Deux kilomètres plus bas, le 7ème régiment de ligne débute un combat acharné pour défendre le pont de l'Union.
Au sud, après une préparation d'artillerie, deux bataillons belges lancent une contre-attaque à partir de la tête de pont de Dixmude; Keiem est repris
A l'extrême sud, sur l'Yperlée, la 6 DA est relevée par les 87 et 89e divisions territoriales françaises. Le front belge est ainsi raccourci et s'étend désormais de la mer à Fort Knokke.
19 octobre
Dès le début du jour, les Allemands reprennent l'attaque avec violence.
Au nord, ils sont contenus devant Lombardsijde et la ferme Groote Bamburg (1,5 km au sud-est).
Au centre, à Keiem, où se trouvent des éléments de la 4 DA, le village subit quatre attaques successives et tombe pour la deuxième fois.
Au sud, le commandement décide de lancer, au départ de Dixmude, une contre-attaque sur le flanc gauche de l'ennemi avec des unités de la 5 DA et les fusiliers marins de l'Amiral Ronarc'h. Ces derniers sont relevés par une brigade de la 3 DA qui défendra par la suite la tête de pont. Les éléments de la 5 DA reprennent Vladslo et les fusiliers-marins, Beerst. Toutefois plus au sud, l'avancée allemande a bousculé la cavalerie et met la 3 DA et des fusiliers-marins en danger. Leur repli à l'ouest de l'Yser est ordonné en début de nuit.
20 octobre
Les 4e et 6e armées allemandes mènent l'attaque sur un front de 100 km allant de la mer à La Bassée.
Au nord, malgré l'appui des monitors britanniques, le village de Lombardsijde et la ferme Groote Bamburg sont perdus. C'est en vain que la 2 DA essayent de reprendre la ferme. Le soir, une tête de pont est toutefois tenue à Nieuport pour couvrir les écluses. Au pont de l'Union, le 7eme de Ligne défend la position. Suite aux tirs d'artillerie, le village de Sint Joris est complètement détruit. Le soir le 7e de ligne est relevé par le 14e de ligne.
Au centre, la 1 DA tient une petite tête de pont à Schoorbakke mais devra l'abandonner et faire sauter le pont. En coordination avec la 4 DA, s'organise une position de défense sur la corde reliant le pont de Schoorbakke à celui de Tervaete.
La 3 DA(-) est mise en ligne.
A Dixmude, la bataille fait rage.
21 octobre
A Nieuport, afin de protéger la tête de pont de Palingbrug qui couvre les écluses, le général Dossin, commandant de la 2 DA, donne l'ordre d'inonder la crique de Nieuwendamme. Il s'agit d'ouvrir les vannes du vieil Yser afin de permettre à la marée haute de se répandre au nord est de l'Yser canalisé. Il faut toutefois fermer le siphon reliant le vieil Yser au Noordvaart afin d'empêcher l'eau de pénétrer de l'autre côté de l'Yser canalisé, c'est-à-dire dans les positions tenues par l'infanterie belge. A 23 heures, une équipe quelques hommes menée par le lieutenant du génie François et aidée par le batelier Geeraert, qui a retrouvé les manivelles du déversoir, procède discrètement à l'ouverture des vannes.
Au centre, la situation devient critique. Pendant la nuit du 21 au 22, les Allemands parviennent à franchir l'Yser entre les ponts de Schoorbakke et Tervaete.
A Dixmude, les troupes belges sont soumises à un bombardement ininterrompu
Les premiers éléments de la 42e Division du général Paul François Grossetti arrivent à Coxyde. La division a reçu l'ordre du général d'Urbal, commandant des troupes françaises en Belgique, de se porter sur Nieuport. C'est toutefois au centre qu'il faudrait intervenir mais d'Urbal ne veut rien savoir. Le Roi Albert attire dès lors l'attention du général Foch sur le danger de la situation.
22 octobre
Au nord, l'opération a réussi; la crique de Nieuwendamme est sous eau. Les trois premiers kilomètres au nord est de l'Yser entre Nieuport et Saint Georges sont inondés. Le 7 Régiment de Ligne qui a si vaillamment combattu au pont de l'Union reçoivent du Roi la Croix de l'Ordre de Léopold à accrocher à son étendard.
Au centre, les Allemands qui ont franchi l'Yser à la soudure des 1 et 4 DA, occupent la boucle de Tervaete. Une contre-attaque menée avec quatre bataillons de la 6 DA (réserve) ne parvient pas à les rejeter. La situation est désespérée et le général d'Urbal s'obstine à vouloir engager la 42e division pour lancer une attaque afin de percer à Nieuport. En fait, il a reçu des instructions pour mener des actions offensives à partir du 23.
A Dixmude, tous les assauts allemands sont repoussés.
23 octobre
L'opération offensive française menée à partir de divers points du front échoue :
La 42e division ne parvient pas à sortir des positions tenues par les Belges à Nieuport.
Les fusiliers marins de l'amiral Ronarc'h ne peuvent déboucher de Dixmude
A Saint-Georges, le 7e régiment de ligne subit des pertes sévères. Le soir, il est relevé par le 14e régiment de ligne et un bataillon du 4e Chasseurs. Il a résisté 7 jours et 7 nuits et a perdu 18 officiers, 600 soldats et de nombreux blessés.
Au centre, pris d'enfilade, les défenseurs de Schoorbakke doivent reculer. Tervaete tombe Finalement, d'Urbal prescrit à une brigade de la 42e division de se diriger vers Pervijze afin de rejeter l'ennemi à l'est de L'Yser.
24 octobre
A Nieuport, les unités de la 2 DA renforcées par des éléments de la 3 DA auxquelles se sont ajoutées des troupes de la 42e division française forment un mélange complexe difficile à coordonner. A 16 heures, le 14e régiment de ligne, soumis à de violents tirs d'artillerie doit se replier derrière le Noordvaart et les Allemands occupent Saint Georges. Le soir, c'est Lombardsijde qui est perdu; la tête de pont de Nieuport se réduit mais tient bon.
Au centre, la poussée allemande s'accentue sur la rive gauche. A partir de Schoorbakke, l'ennemi gagne du terrain en direction de Saint Georges. L'artillerie française tire 3 000 projectiles pour arrêter sa progression. Les Belges s'accrochent derrière le Groot Beverdijk.
A Dixmude, quinze assauts sont repoussés.
25 octobre
La journée du 25 s'avère plus calme à l'exception de Dixmude où plusieurs assauts doivent être repoussés.
Cette journée est toutefois importante car le Roi prend la décision de recourir à l'inondation. L'état-major examinait la faisabilité de cette opération depuis plusieurs jours. Le commandant d'état-major Nuyten avait fait appel à l'ancien maître-éclusier Cogge de la Wateringue de Furnes pour l'éclairer. Cogge était une des rares personnes présentes ayant une certaine connaissance du système; les autres ayant préféré fuir la zone des combats. Avec d'autres officiers, dont le major Maglinse et le capitaine du génie Thys, ils aboutirent à la conclusion qu'il était possible de tendre une inondation entre l'Yser et le talus du chemin de fer à condition d'obturer tous les passages existant sous ce dernier. Il suffisait alors d'ouvrir les vannes du Noordvaart à marée haute pour que l'eau pénètre sur les terres. Heureusement, la zone des écluses, dénommée la patte d'oie, était toujours dans les mains alliées. Les ordres sont dès lors donnés pour que les unités du génie procèdent aux travaux de colmatage du remblai du chemin de fer.
26 octobre
La situation est désespérée; l'artillerie belge n'a presque plus de munitions (cent coups par pièce).
A Nieuport, les Français qui ont repris la position de la 2 DA doivent, dans la soirée, abandonner la tête de pont de Palingbrug. A 23 heures, le colonel Glaudon fait sauter le pont sur le canal de Furnes. Cette démolition prématurée posera ultérieurement des difficultés pour accéder aux commandes des ouvrages hydrauliques. Heureusement, les Allemands commettent l'erreur de ne pas les occuper.
Au centre, sous pression de l'ennemi, les Belges doivent se replier du Beverdijk (wateringue important) derrière le remblai du chemin de fer. L'ordre est donné de défendre cette ultime position à tout prix.
Au sud, la tête de pont de Dixmude tient bon.
Le recours à l'inondation est devenu urgent. Par chance, les travaux de colmatage du remblai du chemin de fer se terminent. Le soir, l'ordre de procéder à l'inondation est donné. Il y a toutefois deux difficultés : on ignore où sont les manivelles des vannes du Noordvaart et le déversoir se trouve en avant des premières lignes françaises. Cogge suggère l'utilisation de l'ancienne écluse de Furnes qui se situe à l'ouest du chenal de l'Yser, donc en zone amie. Par cet accès, on peut faire entrer l'eau de mer à l'est du remblai du chemin de fer grâce à un siphon et une petite digue. Le soir, pour l'arrivée de la marée haute, les portes de l'écluse sont ouvertes mais, mal fixés, sous la pression de l'eau montante, les vantaux se rabattent brusquement. Pour ne pas tout perdre, on ouvre les vannes de l'écluse mais le débit est réduit et l'opération compromise.
Les inondations
L'idée de l'inondation
Plusieurs "légendes" attribuent la paternité de l'idée de l'inondation à des personnes différentes.
L'Album de Guerre de l'Illustration, volume I, page 148 affirme que c'est le juge d'instruction de Furnes, Emeric Feys qui en aurait eu l'idée en consultant des papiers de famille où un document juridique mentionnait une inondation en 1793. Il en aurait parlé au colonel Wielemans qui aurait alors fait étudier le sujet. Il s'agit vraisemblablement de l'article romancé d'un journaliste. Les recherches historiques ont montré qu'il n'y avait pas eu d'inondation en 1793 et M. Feys n'a jamais revendiqué cet honneur.
Une autre légende attribue la paternité de l'inondation au chef éclusier Karel Cogge et au Lieutenant Colonel Prudent Nuyten (il était alors capitaine-commandant). Elle provient d'un discours prononcé en 1920 à Nieuport par le Président Poincaré. Le rédacteur du discours était assurément mal informé car M. Cogge n'était pas éclusier mais responsable des wateringe de Furnes et le Lieutenant Colonel Nuyten, même s'il a participé à l'étude de l'inondation, n'était pas le seul à traiter le sujet.
Dans son livre "Préceptes et Jugement du Maréchal Foch", le commandant français Grasset attribue au grand Maréchal la géniale idée. Ce dernier n'a pourtant nul besoin de cela pour auréoler sa gloire et le Ministère de la Défense nationale française a d'ailleurs diffusé un communiqué rectificatif le 18 avril 1919.
Comme les peuples ont besoin de merveilleux, des exaltations belges ont mis en exergue "l'inspiration géniale qui illumina le cerveau du vieil éclusier Henri Geeraert". Si ce dernier s'est conduit de manière héroïque en exécutant les manœuvres indispensables à l'inondation, il n'en est néanmoins pas l'inspirateur.