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La Première Guerre mondiale 3e partie

 

 

Les destructions matérielles

 

Les productions agricole et industrielle se sont effondrées à cause des impératifs de l’économie de guerre et de la mobilisation d’un grand nombre d’actifs : la France perd 17,3% de ses mobilisés, le Royaume-Uni 5,1% et l'Allemagne 9,8%. La guerre entraîne une désorganisation des circuits commerciaux traditionnels. Il fallut reconstruire, relancer l’activité et revenir à une économie de paix tout en faisant face à une grave pénurie de main-d’œuvre. En France par exemple, 50% des paysans sont morts. S’ajoute donc le problème de la reconversion de l’économie de guerre en économie de paix.

 

Les Américains sont les premiers à en connaître les effets, dès 1920, avec une récession brutale du fait d’un retour à une politique déflationniste. La production américaine d’acier baisse ainsi de moitié, et celle d’automobiles de 40%. La crise américaine va rapidement s’étendre. Tout d’abord au Japon, puis au Royaume-Uni qui connaît un taux de chômage de 20% en 1921. En Italie, le problème principal est la réintégration dans le marché du travail d’une population massivement mobilisée. On compte alors en effet 600 000 chômeurs d’où des désordres sociaux dont la conséquence directe vont être le Biennio rosso (littéralement « Les Deux Années rouges »), période marquée par une agitation révolutionnaire de gauche. La reconversion de l’économie va également engendrer la désorganisation du système monétaire. Les économies occidentales abandonnent l'étalon-or, préférant la monnaie fiduciaire.

 

 

 

Carte d'ensemble des zones détruites pendant la Première Guerre mondiale dans le nord et l'est de la France.

 

Les destructions matérielles sont importantes et affectent durement les habitations, les usines, les exploitations agricoles et autres infrastructures de communication comme les ponts, les routes ou les voies ferrées et cela principalement en Franceoù une vaste zone ravagée de 120 000 hectares prend le nom de « zone rouge ». Dans le nord et l'est de la France, onze départements seront classés en zone rouge. L’agriculture y sera en maints endroits interdite avant le désobusage et déminage qui vont prendre plusieurs années (pour n’être terminé que dans les années 2 600 au rythme actuel des découvertes et élimination d’obus et autres munitions actives dans l’ex-zone rouge), sans même envisager le traitement des munitions immergées par millions car jugées trop dangereuses pour être démantelées, ou faute de moyens financiers pour les stocker et traiter en sécurité. Trois millions d’hectares de terres sont ravagées par les combats. Certains villages de la Meuse, de la Marne ou du Nord sont rayés de la carte et ne peuvent pas être reconstruits à leur emplacement. Des villes sont bombardées comme Reims qui voit sa cathédrale sévèrement touchée ou Londres qui reçoit près de 300 tonnes de bombes. Louvain voit quant à elle sa bibliothèque brûler. En France comme en Belgique est institué un ministère de la Reconstruction. C’est une période pauvre en archives où toutes les énergies sont consacrées à la reconstruction, avec une première période sombre où l’on fait intervenir les prisonniers de guerre allemands, les travailleurs chinois épargnés par la grippe espagnole, ainsi qu’une main d’œuvre immigrée, notamment pour le désobusage. Cette période va générer quelques grandes fortunes dans le domaine de la récupération des métaux. L'Allemagne n'a quant à elle pas subi les destructions qu'ont dû subir les autres. Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker ne soulignent que le potentiel productif de l'Allemagne est intact .

 

Séquelles de guerre

Les séquelles de guerre sont importantes : la reconstruction doit se faire sur des dizaines de milliers d’hectares physiquement dévastés où les villes, les villages, les usines, les puits de mines et les champs sont parfois littéralement effacés du paysage, sur des sols pollués par des milliers de cadavres humains et animaux, rendus dangereux par les sapes, les tranchées et les milliards d’obus et autres munitions non explosées ou non tirées (perdues ou dangereusement stockées). Des dizaines de milliers d’hectares sont gravement contaminés par les métaux lourds et parfois par les armes chimiques que l’on démantèle ou que l’on fait pétarder sans précautions suffisantes.

 

Séquelles géographiques

Sur les sites les plus bouleversés où les explosifs et les toxiques de combat sont encore trop nombreux pour que l’on puisse rendre les sols à l’agriculture ou à l’urbanisation, on plantera des forêts de guerre, dont la forêt de Verdun et la forêt d'Argonne, qui ont poussé sur d’anciens champs criblés de trous d’obus et de tranchées. Dans ces forêts, certains villages ne sont pas reconstruits. Ces séquelles terrestres sont connues des spécialistes, en particulier des démineurs, mais il semble que la pollution libérée par les dizaines de milliards de billes de plomb des shrapnels et les balles, ou le mercure des amorces soient lentement capables de s’accumuler dans les écosystèmes et certains aliments. C’est un problème qui n’a pas été traité par les historiens ni les spécialistes en santé publique. Aucune étude officielle ne semble s’être intéressée au devenir des métaux lourds et des toxiques de combat dans les sols et les écosystèmes de la zone rouge.

 

 

Moreuil, village picard totalement rasé lors de la seconde bataille de la Somme en mars 1918 (combats Castel et du bois Sénécat en particulier) et de la 3e bataille de Picardie en août 1918.

 

Les séquelles marines, bien que préoccupantes semblent avoir été oubliées durant 70 à 80 ans. Ainsi les pays baltes voient-ils la situation écologique de la mer Baltique s’effondrer des années 1990 à 2006, tout en redécouvrant des dizaines de milliers de tonnes de munitions immergées de 1914 à 1918 et après (incluant des armes chimiques dont certaines commençant à fuir). Les pêcheurs remontent parfois de l'ypérite dans leurs filets dans la Baltique. En Belgique, à Zeebrugge, on retrouve incidemment un dépôt immergé de 35 000 tonnes d’obus noyés là peu après 1918 puis oubliés. Parmi ces obus, 12 000 tonnes sont chargés d’ypérite et de chloropicrine toujours active, à quelques centaines de mètres de la plage et de l’embouchure du port méthanier. C’est encore plus tardivement en 2005 que quelques articles de presse évoquent la publication discrète d’un rapport à la Commission OSPAR listant les dépôts immergés de millions de munitions dangereuses et polluantes, datant de la grande guerre et des périodes suivantes. C’est face au littoral français que le nombre de dépôts immergés est le plus important. Alors que ces munitions commencent à fuir et à perdre leurs contenus toxiques, la question de leur devenir se pose. Une centaine de zones mortes ont été répertoriées en mer par l’ONU, la plupart coïncident avec des zones d’immersion en mer de munitions, ce qui pose la question de l’évaluation des impacts environnementaux de ces déchets toxiques et/ou dangereux immergés. Les taux de mercure augmentent de manière préoccupante dans les écosystèmes et notamment dans le poisson. On peut craindre qu’une partie de ce mercure provienne des milliards d’amorces au fulminate de mercure des têtes d’obus et des douilles d’obus ou de balles ou d’autre munitions (1 g de mercure par amorce en moyenne) non utilisée ou non explosée et jetées en mer après cette guerre ou la suivante.

 

 

Ruelles de l'ancien village de Fleury-devant-Douaumont.

 

Séquelles psychiques

À ceci s’ajoutent de graves séquelles psychiques et sanitaires : gueules cassées, trauma psychologiques, choc et contre-choc de la grippe espagnole qui a fait entre 20 et 50 millions de morts. Il y a également des non-dits notamment quant aux répressions des mutineries de 1917 chez les Français, les Allemands et les Britanniques, comme la mutinerie d'Étaples. En quatre ans, 2 400 « poilus » auront été condamnés à mort et 600 exécutés, l’autre voyant leur peine commuée en travaux forcés. Parmi ces soldats fusillés pour l'exemple, quelques uns dont Félix Baudy ont été rétablis dans leur honneur dans les années 1920 ou 1930. Sans oublier le sort réservé aux déserteurs, fusillés au début du conflit puis déportés au bagne quand ils refusent de se soumettre, comme Robert Porchet. Ce conflit mondial laisse des millions d’orphelins, de désœuvrés et surtout, un esprit de haine et de revanche qui prépare déjà la Seconde Guerre mondiale. Alors qu’en France et en Belgique se construisent et se décorent les ossuaires et des centaines de cimetières militaires, alors que chaque commune ou presque construit son monument aux morts, et alors qu’arrivent les années folles où l’on cherche avant tout à oublier, un vent pacifiste rapidement contrôlé par les États proclame que cette guerre sera « la der des ders », c'est-à-dire la dernière des dernières (guerres).

 

Un monde redessiné par les traités de paix

 

Carte de l’Europe en 1923.

 

Quatre empires se sont écroulés, ce qui transforme profondément la carte de l’Europe redessinée par les traités de paix de 1919.À l’issue du traité de Versailles, l'Empire allemand perd 1/7e de son territoire : outre l’Alsace et la Lorraine déjà restituées à la France et Eupen et Malmédy rattachés à la Belgique, l’Allemagne perd à l’est la Posnanie et une partie de la Prusse-Orientale pour permettre la recréation de la Pologne ; La Haute-Silésie est partagée entre la Pologne et l’Allemagne. Le territoire allemand est coupé en deux par le « couloir de Dantzig », démilitarisé, voyant ses colonies confisquées, surveillé, condamné à de lourdes réparations est rendu seul responsable du conflit. Ces réparations, dont le montant n’est fixé qu’en 1921, s’élèvent à 132 milliards de marks-or, à verser en trente annuités (elle ne versera au total que 22,8 milliards de marks-or jusqu’en 1932).

 

L'Empire russe, devenu la Russie communiste, ne retrouve pas les territoires cédés au Traité de Brest-Litovsk : les pays baltes et la Finlande deviennent indépendants. L’Ouest de la Russie est attribué à la Pologne. L'Empire ottoman est réduit à l’actuelle Turquie. La Syrie et l’Irak deviennent des mandats français et britanniques.

L'Empire austro-hongrois est quant à lui démantelé - avec la naissance d’une Autriche, d’une Hongrie et d’une Tchécoslovaquie. Le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, qui deviendra la Yougoslavie, est constitué de l’union du Royaume de Serbie avec l’État des Slovènes, Croates et Serbes et le Royaume de Monténégro. Elle réunit les Slaves du sud des Balkans, mais elle doit céder l’Istrie à l’Italie au terme du traité de Rapallo de novembre 1920.

 

Tous ces États adoptent des régimes parlementaires. La démocratie s’installe enfin dans bon nombre de pays d’Europe centrale et orientale. Mais, dans certains de ces pays, la démocratie ne résiste pas à l’installation rapide de régimes autoritaires dans toute l’Europe centrale et orientale.

Les tranchées

Ce conflit mondial est caractérisé par une ligne de front continue de 700 kilomètres, fortifiée, qui ne sera jamais rompue par aucune des armées en présence avant 1918. Le front est constitué de plusieurs lignes de défense creusées dans la terre, les tranchées, reliées entre elles par des boyaux d’accès. Les conditions de vie dans ces tranchées sont épouvantables, bien que les tranchées allemandes soient les mieux aménagées. Les troupes allemandes ont en effet très rapidement bétonné leurs tranchées alors que du côté français, on trouve des tranchées de terre qui résistent tant bien que mal aux obus. Les soldats y vivent entourés par la boue, la vermine, les rats et l’odeur des cadavres en décomposition. De plus, pour les tranchées les plus exposées au front, le ravitaillement laisse parfois à désirer.

 

 

Tranchée britannique dans la Somme en juillet 1916.

 

Un no man's land rendu infranchissable par des réseaux denses de barbelés, battu par le feu des mitrailleuses, sépare les deux premières lignes. Le danger est permanent, même en période de calme quand l’activité du front est faible, la mort survient n’importe quant au cours d’une patrouille, d’une corvée, d’une relève ou d’un bombardement d’artillerie.

L’observation aérienne par les avions et les ballons permet aux armées de connaître avec précision la configuration du terrain ennemi, si bien que les tirs d’artillerie ne tombent jamais au hasard. Les obus qui pleuvent de jour comme de nuit font un maximum de dégâts. En 1918, on compte 250 millions d'obus tirés pour la France. Les soldats ne se trouvent en sécurité qu’à une dizaine de kilomètres derrière les lignes quand ils sont hors de portée de l’artillerie lourde.

 

Extrait du film La Bataille de la Somme où l'on voit le réseau de barbelés.

 

On a souvent reproché aux chefs militaires d’avoir conduit leurs troupes dans cette guerre de tranchée de façon aussi coûteuse en vies humaines qu’inutile. Pourtant, cette guerre de position n’est pas un choix stratégique. Elle est due au fait que, en ce début de l'ère industrielle, alors que les nations occidentales sont déjà capables de produire des armements en masse, les progrès techniques, qui ne cesseront de se succéder durant quatre ans, ont surtout concerné le matériel et la puissance de destruction plutôt que les moyens de s’en protéger.

L’uniforme des différentes armées ne prévoit pas non plus de protéger efficacement la tête des soldats. Ce n’est qu’en septembre 1915 que le casque Adrian remplace le képi pour les Français. Les Anglais quant à eux distribuent le casque Brodie dans la même période. Le casque à pointe allemand offre peu de protection et est progressivement remplacé par le Stahlhelm en 1916.

Les débauches d’artillerie empêchent toute percée d’aboutir. Les soldats combattent souvent pour quelques mètres et n’arrivent pas à percer les tranchées ennemies protégées par un tir nourri d’artillerie et des lignes de barbelés. De 1914 à 1918, près de 70 % des pertes en vies humaines ont été provoquées par l’artillerie, contre moins de 20 % dans les conflits précédents. Ainsi, pour emporter les tranchées et mettre fin à cette forme de guerre, il faut attendre une arme entièrement nouvelle et qui apparaît plus tard : le char d’assaut.

 

Nouvelles armes et nouvelles tactiques

 

 

 

 

 

Avion militaire allemand, de marque Aviatik, virant sur l'aile dans la lumière matinale. Sa mitrailleuse LMG 14 Parabellum est visible à l'arrière de l'observateur.

 

Aviation et blindés : Cette guerre est l’occasion pour l’industrie de l’armement de lancer de nouveaux matériaux qui aident à la maturation des techniques et des méthodes. De nombreux secteurs industriels et militaires se sont développés dont l'aviation. Désormais, la reconnaissance aérienne permet l’ajustement du tir de l’artillerie et la cartographie précise des lignes ennemies. L'aviation permet en outre de mitrailler et bombarder les positions. Cette période voit en effet les premiers bombardements aériens de l'histoire. Ce sont surtout le zeppelin qui se chargent de cette mission, de manière d'abord rudimentaire (des obus lâchés à la main au début, avant la mise au point de premiers bombardiers ; le premier « bombardier lourd », le Zeppelin-Staaken VGO1 allemand, rebaptisé Zeppelin-Staaken R1, volera pour la première fois le 11 avril 1915). Les combats aériens révèlent de nombreux pilotes surnommés les « as » comme l’Allemand Richthofen, le « baron rouge », les Français Roland Garros, Fonck et Guynemer, l’Anglais Mannock, le Canadien Bishop, ou encore le Sud Africain Andrew Beauchamp-Proctor.

 

Les véhicules blindés apparaissent pour couvrir les soldats lors de l'attaque de position, avec une première attaque massive de chars d'assaut anglais dans la Bataille de Cambrai. Des chemins de fer de campagne (système Péchot sont installés pour desservir les fronts. Des canons de marine montés sur wagons sont inventés et transportés près du front.

 

Armes chimiques

 

Soldats britanniques victimes des gaz lacrymogènes pendant la bataille d'Estaires en avril 1918.

 

L'utilisation des armes chimiques pendant la Première Guerre mondiale remonte au mois d'août 1914 où les troupes françaises utilisent contre les troupes allemandes un gaz lacrymogène, le xylylbromide, un gaz développé par les forces de police parisiennes. Par la suite, les différents camps ont cherché à fabriquer des armes chimiques plus efficaces bien que les conférences de La Haye aient interdit l'utilisation d'armes toxiques.

L'Empire allemand, manquant cruellement de matières premières, utilise alors des produits qu'il possède en abondance, dont le chlore, produit rejeté par les industries chimiques, est disponible en grandes quantités. Les troupes allemandes emploient donc le chlore en le présentant comme un gaz irritant et non mortel, ne portant ainsi pas atteinte aux accords des conférences de la Haye. Le premier emploi massif de gaz a lieu le 22 avril 1915 lors de la Deuxième bataille d'Ypres. 150 tonnes de chlore sont lâchées faisant 5 000 morts et 10 000 blessés. La guerre du gaz avait commencé.

 

Les armes chimiques sont contenues dans des bonbonnes, des obus, des bombes ou des grenades. Les gaz utilisés sont très volatils : chlore, phosgène, « gaz moutarde », arsines ou encore chloropicrine. La détection de certaines de ces armes chimiques est à l'époque quasi impossible. En effet, les conséquences de leur inhalation sur le corps humain n'étant visibles que trois jours après, on ne peut savoir à temps s'il y a eu contamination ou pas. D'où la production de défenses préventives telles que les masques à gaz.

 

Le front intérieur

L’action des femmes

 

Femmes de tous âges fabriquant des obus, France, 1917.

 

Dans tous les pays, les femmes deviennent un indispensable soutien à l’effort de guerre. En France, le 7 août 1914, elles sont appelées à travailler par le chef du gouvernement Viviani. Dans les villes, celles qui fabriquent des armes dans les usines (comme les usines Schneider au Creusot) sont surnommées les « munitionnettes ». Les femmes auront fabriqué en quatre ans 300 millions d’obus et plus de 6 milliards de cartouches. Désormais, les femmes distribuent aussi le courrier, s’occupent de tâches administratives et conduisent les véhicules de transport. Une allocation aux femmes de mobilisés est prévue . À titre d'exemple dans le Pas-de-Calais, une allocation principale de 1,25 FR (portée à 1fr50 le 4 aout 1917), avec une majoration de 0,50fr en 1914, portée à 1fr le 4 aout 1917) est versée aux femmes d'appelés. Selon l'archiviste départemental, 171 253 demandes avaient été examinées par les commissions cantonales au 31 juillet 1918, pour plus de 115 000 bénéficiaires retenus, soit une dépense mensuelle de 6 millions de Fr environ du 2 aout 1914 au 21 juillet 1918. Les oeuvres de guerre et divers mouvements de solidarités complètent le dispositif.

 

Dans les campagnes, les femmes s’attèlent aux travaux agricoles. Beaucoup de jeunes femmes s’engagent comme infirmières dans les hôpitaux qui accueillent chaque jour des milliers de blessés. Elles assistent les médecins qui opèrent sur le champ de bataille. Certaines sont marraines de guerre : elles écrivent des lettres d’encouragement et envoient des colis aux soldats, qu’elles rencontrent parfois lors de leurs permissions.
Avec la Première Guerre mondiale, les femmes ont fait les premiers pas sur le chemin de l’émancipation. Mais pour beaucoup, l’après-guerre a constitué un retour à la normale et aux valeurs traditionnelles. En 1921, les femmes au travail en France n’étaient pas plus nombreuses qu’avant 1914. Certaines ont toutefois atteint un niveau de responsabilité inédit. Environ 700 000 veuves de guerre deviennent d’ailleurs des chefs de famille. Dans certains pays, comme l’Allemagne et les États-Unis, le droit de vote est accordé aux femmes dès 1919. La France attendra 1945 pour enfin permettre aux femmes de devenir des citoyennes.

 

Les colonies

 

Carte postale montrant l'armée française d'Afrique défilant à Amiens, France, en 1914 ou en 1915.

 

Les colonies ont joué un rôle primordial pendant la Première Guerre mondiale, fournissant aux Alliés des soldats, de la main-d’œuvre et des matières premières.

 

Empire français

134 000 « tirailleurs sénégalais » (un corps de militaire constitué en 1857 par Napoléon III) sont mobilisés en renfort des troupes françaises, souvent en première ligne. De même, près de 270 000 Maghrébins sont mobilisés et environ 190 000 (dont 125 000 Algériens) viennent combattre en Europe. En octobre 1915, un décret ordonne la mobilisation des Africains de plus de 18 ans. Un député sénégalais, Blaise Diagne, pense tenir là une opportunité pour les Africains de s'émanciper. Ces hommes viennent d’Afrique noire (Sénégal, Burkina Faso, Bénin, Mali et Niger), d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc et Mauritanie) et de Madagascar, de Chine, d’Indochine, des Antilles et de Guyane. Au total, entre 550 000 et 600 000 sont mobilisés et près de 450 000 viennent combattre en Europe et en Orient. Le nombre de tués est estimé à plus de 70 000 dont environ 36 000 Maghrébins et 30 000 « Sénégalais ». Les taux de pertes, calculés par rapport aux nombres de combattants réellement engagés soit 450 000, sont de 16% au total, 19 % pour les Maghrébins et 23% pour les « Sénégalais ».

Concernant les faits d'armes accomplis par ces troupes, certains régiments figurent parmi les plus décorés de l'Armée française au terme de la guerre. Ainsi, sur les seize régiments de tirailleurs nord-africains en activité au 31 août 1918, tous reçurent la fourragère, distinction récompensant au moins deux citations à l'ordre de l'armée; sept reçurent la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre, cinq la fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire[] et quatre la fourragère aux couleurs de la Légion d’honneur. Les Africains aussi, dans une moindre mesure, reçoivent des distinctions puisque le 43e bataillon de Tirailleurs sénégalais est cité quatre fois à l'ordre de l'Armée, dont une citation pour la prise du Fort de Douaumont au sein du Régiment d'infanterie coloniale du Maroc (RICM), et reçoit la fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire.

 

Empire britannique

L'Empire britannique mobilise environ 1 300 000 hommes dans les Dominions, qui serviront en priorité sur le front français, et un peu plus de 1 400 000 aux Indes (dont environ 870 000 soldats). La grande différence est que les soldats coloniaux français servirent sur le front européen, en France et dans les Balkans, alors que les Indiens servirent en très grande majorité au Moyen-Orient. Seul 12% vinrent en France. Les pertes indiennes sont estimées à 64 000 tués.

En Egypte, le Khédive Abbas II Hilmi appelle les Égyptiens à lutter contre le Royaume-Uni, qui plaça l’Égypte sous son protectorat et remplaça Abbas par son oncle Hussein Kamal.

 

Bilan

Même si l’image de l’« indigène » laisse place à celle du soldat, globalement les préjugés demeurent. Par la suite, avant et après la décolonisation, la dette de sang contractée par la France au cours des deux guerres mondiales pèsera lourd dans les reproches d’ingratitude formulés à son égard, même si, contrairement à une légende noire tenace, le nombre d’ « indigènes » morts au combat ne fut pas proportionnellement plus élevé que celui des métropolitains.

 

La perte de prestige des Européens dans les colonies et dans le monde est importante. En Afrique, les Franco-britanniques se sont emparés des colonies allemandes, les Japonais font de même en Chine, capturant la colonie allemande de Tsingtao et dans le Pacifique où ils s'emparent de plusieurs archipels situés au nord de l'équateur qui formeront le mandat des îles du Pacifique. Les Australiens ont capturé la Nouvelle-Guinée allemande et les Néo-Zélandais les Samoa allemandes. Les colonies ont fourni des vivres, des matières premières et des tirailleurs « sénégalais » et nord-africains qui participèrent à tous les « coups durs » de la guerre. Au lendemain de la guerre, les peuples colonisés ne croient plus à ce qu’on leur inculque – la supériorité naturelle de la métropole – et réclament une amélioration de leur sort. À ce premier déclin de l’influence européenne dans les colonies s’ajoute l’expansion des États-Unis, les plus grands bénéficiaires de la guerre, et du Japon, dont les capitaux se placent désormais à Londres et à Paris.

 

Industries et économies

Cette guerre se distingue des conflits précédents en ce qu’elle est aussi la première « guerre industrielle ». Entre 1915 et 1917, tous les pays impliqués dans le conflit sont contraints de restructurer leur industrie : il apparaît immédiatement que les stocks sont tout à fait insuffisants pour soutenir l’effort de guerre. Si elle n’avait pas veillé à augmenter sa production, la France, par exemple, se serait retrouvée à court de munitions pour l’artillerie lourde, deux mois à peine après l’ouverture des hostilités. En Italie, où Marinetti et les autres futuristes se font les chantres enthousiastes de l’ère de la machine, la production de mitrailleuses passe, entre 1915 et 1918, de 613 à 19 904 unités; les automobiles, de 9200 à 20 000 unités. De 10 400, la fabrication de munitions passe à 88 400 unités par jour.

 

Face aux attaques chimiques de l'armée allemande, le Ministère de la guerre encouragea la production de chlore liquide en France. Plusieurs usines sont nées à ce moment là, comme Jarrie en Isère dont la création date de 1916. Il s'agissait souvent de sites pouvant exploiter l'énergie hydroélectrique, car le chlore était obtenu par électrolyse. Si cette unité chimique existe toujours, l'usine de production de chlore de Boussens en Haute-Garonne, lancée également en 1916, a disparu. Il est cependant possible de consulter une série de photographies qui relatent le développement de cette unité de production de chlore à Boussens grâce au « reportage » photographique réalisé par Jean Charrié, ingénieur dans cette usine. Ces documents sont disponibles le lien qui suit

 

Les dépenses de guerre pèsent fortement sur le budget des États qui tentent de faire face à leur lourd déficit en appliquant diverses méthodes : l’emprunt public (en Allemagne), l’augmentation des impôts directs (Royaume-Uni), l’émission d’emprunts publics et l’augmentation de la circulation monétaire (Italie et France). La main-d’œuvre employée dans les secteurs de l’industrie liés à l’effort de guerre augmente elle aussi. Il faut pourvoir les postes laissés vacants par les hommes appelés au front. Pour cela, on fait appel aux femmes et à la main-d’œuvre coloniale ou étrangère : en France, à la fin de la guerre, sur 1 700 000 personnes affectées à l’industrie de guerre, on compte 497 000 militaires, 430 000 femmes, 425 000 civils, 133 000 jeunes, 61 000 coloniaux et 40 000 prisonniers.

Les emprunts de guerre en France, les campagnes de collecte d’or sont menées auprès des civils pour financer la guerre. Mais la principale source de financement se situe aux États-Unis, soit en numéraire, soit par l’achat à crédit de matériel.

 

L'État

 

Photo du Cabinet de guerre impérial britannique.

 

Les États tirent profit de la guerre pour accroître leurs pouvoirs et leurs domaines de compétences. Ainsi assiste-t-on d’abord à un phénomène de centralisation du pouvoir, visible en Angleterre au travers du Cabinet de guerre impérial de Lloyd George qui ne comporte que quatre ministres dont un général, Jan Smuts. En Allemagne, les pouvoirs du Kaiser sont également renforcés, et il en va de même pour ceux de l’empereur en Autriche. En France, l’Union sacrée permet un gel, temporaire, des divisions politiques. Après s’être effacé en 1914, le Parlement français reprend le contrôle du gouvernement et bientôt celui du commandement militaire, malgré la toute puissance de Joffre.

 

Le pouvoir élargit ensuite le champ de ses compétences. La censure est partout réhabilitée au nom de l’intérêt national. En France, elle prend la forme d’une loi du 4 août 1914, votée dans l’urgence, interdisant tout article apte à révéler des informations à l’ennemi, ou à décourager les Français (notamment en révélant la réalité des conditions de vie au sein des tranchées). Cette loi fut par la suite allégée par Clemenceau, en 1917, et il était désormais permis de critiquer l’action gouvernementale. Cependant elle restera effective jusqu’en octobre 1919, soit un an après la fin des hostilités. Paradoxalement, la censure fut beaucoup plus rigoureuse en France qu’en Allemagne ou en Angleterre, ce qui pose le problème de sa compatibilité avec un régime démocratique, mais a aussi permis d’empêcher que l’état-major allemand connaisse la gravité de la crise du moral en 1917.

 

Tentative de paix

De nombreuses tentatives de paix sont nées durant la Première Guerre mondiale et cela dès 1914, allant de l'exhortation au calme aux négociations secrètes en vue de signer une paix. Un des acteurs de ces tentatives de paix est le pape Benoît XV qui se prononce contre la guerre dès son élection le 3 septembre 1914 alors que le conflit fait rage. En réaction aux socialistes soutenant la guerre, d'autres socialistes se réunissent à Zimmerwald en 1915 et se prononcent contre la guerre. Les premières tentatives de paix datent de 1916 avec la proposition de paix de l'Allemagne qui se révèle comme peu sérieuse et la proposition du président américain Wilson. Des négociations ont également lieu entre l'Allemagne et le Japon afin d'obtenir une paix séparée, négociations qui échouent pour l'Allemagne.

 

Photo du pape Benoît XV vers 1915.

 

C'est en 1917 que l'on rencontre le plus grand nombre de tentatives de paix, cette année marquant en quelque sorte l'apogée de la lassitude face à la guerre. La plus sérieuse des propositions de paix de 1917 est la négociation secrète du prince Sixte de Bourbon-Parme, intermédiaire idéal puisqu'étant le beau-frère de l'empereur d'Autriche-Hongrie, Charles Ier. Officier dans l'armée belge, Sixte de Bourbon Parme reçoit une note de l'empereur, en accord avec son ministre des Affaires étrangères, dans laquelle ce dernier propose non seulement une paix séparée mais également la restitution de l'Alsace-Lorraine à la France sans s'accorder à ce sujet avec l'Allemagne. Raymond Poincaré et Lloyd George se montrent alors vivement intéressés par ces propositions, mais les Italiens, qui ne veulent pas entendre d'une paix blanche avec l'Autriche-Hongrie font blocage. Ils souhaitent l'application intégrale du pacte de Londres. Les négociations sont alors interrompues.

 

Sans que l'on puisse très exactement savoir s'il s'agit de l'expression de véritables convictions, ou d'une volonté de ne pas laisser le terrain du pacifisme aux socialistes, la seconde grande proposition de paix de l'année 1917 émane du pape Benoît XV. Dans sa proclamation du 9 août 1917, rendue publique le 16, le pape appelle les belligérants à la paix, en des termes très vagues, ne faisant aucune mention du cas de l'Alsace-Lorraine. Ces propositions sont vivement rejetées par l'opinion catholique française. En Allemagne, le Reichstag tente d'influer sur le cours politique et proclame une résolution de paix le 17 juillet 1917, qui échoue elle aussi.

 

Vont suivre ensuite une série de négociations secrètes dont l'affaire dite Briand-Lancken en septembre 1917 qui commence avec les négociations entre le comte de Brocqueville, premier ministre belge exilé au Havre, et le baron Von Lancken, dirigeant du gouvernement général de Belgique sous autorité allemande, qui a alors l'appui du chancelier Theobald von Bethmann Hollweg. Pour Lancken, la Belgique pourrait servir d'intermédiaire en vue de négociations de paix et demande à rencontrer le premier ministre français, Aristide Briand, en septembre 1917. Reposant sur un malentendu, l'affaire échoue : Briand ne se rend pas au rendez-vous et les négociations avortent avant même d'avoir pu s'amorcer. D'autres négociations sont menées en 1918, comme celles du projet de paix séparée entre l'Autriche-Hongrie et les États-Unis, mais elles échouent. Il faut attendre le 11 novembre pour que l'armistice vienne mettre un terme à quatre années de guerre.

 

Prisonniers de guerre

 

Soldats russes faits prisonniers à Tannenberg



23/09/2012
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